Mon Dieu ! pourquoi nous avez-vous abandonnés ? Ecrit un lieutenant de la 24e division blindée. Il y a quinze jours que nous nous battons pour une seule maison, à grands coups de mortier, de grenades, de mitrailleuse… et de
baïonnette. Dès le troisième jour, les corps de 54 des nôtres jonchaient le sol, à la cave, sur les paliers, dans l'escalier… Le front ?
C'est un corridor entre deux chambres incendiées, un mince plafond entre deux étages. La seule aide que nous recevions
nous vient des maisons voisines, par les escaliers de secours et les cheminées.
D'étage à étage, le visage noirci, on se bombarde avec des grenades, au milieu d'explosions, de nuages de poussière et de
fumée, de monceaux de plâtres, de flot de sang, de débris de mobilier et de fragments d'êtres humains. Demandez à un
soldat ce que représente seulement une demi-heure de combats corps à corps dans de pareilles conditions. Et imaginez
Stalingrad : 80 jours et 80 nuits de corps à corps… On ne mesure plus les rues par mètres, mais par les cadavres
qui les jalonnent.
Stalingrad n'est plus une ville. De jour, c'est un gigantesque nuage de fumée brûlante et aveuglante, recouvrant un vaste
brasier. Et quand la nuit descend, une de ces nuits torrides, hurlantes et sanglantes, les chiens s'enfuient, plongent dans la
Volga et nagent désespérément pour gagner l'autre rive. Les nuits de Stalingrad sont une terreur pour eux. Les animaux
fuient cet enfer, les pierres les plus dures n'y résistent pas… Seul, l'homme peut endurer !...